COLLOQUE FRANCO-ITALIEN DE PSYCHANALYSE  SPP – SPI
                                                   9 et 10 Novembre 2013  Paris

Compte rendu  de Valeria Egidi Morpurgo





Le colloque s’est déroulé dans un climat doux d’automne à Paris où  le ciel alternativement brillait d’un bleu limpide ou se couvrait de nuages chargés de pluie. Les participants furent accueillis dans l’espace de la SPP rue Saint Jaques par Sabina Lambertucci Mann, qui s’est occupée de la régie de l’évènement avec une attention vraiment précieuse. Dans sa présentation de l’initiative Lambertucci Mann fait référence à Freud :
“En 1920, dans Au delà du principe de plaisir, Freud souligne l’importance des pathologies traumatiques et de la pulsion de mort, c’est à dire de ces fonctionemments psychiques, régis par la destructivité, la compulsion de répétition, pour lesquels le désaveau, la dénégation, la répression, le déni et les clivages sont au premier plan. La notion de résistance trouve aussi une nouvelle signification”

Et enfin elle conclut avec une sorte de « réévaluation » du rôle cohésif des défenses :
“Aujourd’hui l’analyste est confronté à des cliniques très héterogènes(…)  où des fonctionnements dits névrotiques se mélangent et s’amalgament à des fonctionnements psychotiques. Les défenses les plus regressives obligent l’analyste (…) à formuler des interprétations qui tiennent compte de la function économique anti-desoganisatrice des défenses.”  

Les deux présidents, Bernard Chervet et Nino Ferro ont brièvement présenté le Colloque,    le thème étant principalement l’attention réciproque : « je ne voudrais pas donner l’impression que nous soyons trop d’accord » a dit Nino Ferro pour souligner l’esprit de l’entretien : se confronter en spontanéité, sans annuler les différences.
Chervet a commenté que le procès de penser se bloque quand il s’arrête au niveau de l’accord/désaccord. Au contraire, l’échange a toujours été très vivant,  animé par des mots d’esprit, et cela a permis d’exprimer aussi bien les convergences de pensées, que les divergences.

Dans son paper « Jeu et réalité du refoulement » Gianluigi Monniello (SPI) s’inspire du travail fondamental sur le refoulement produit par Claude LeGuen en collaboration avec 22 collègues de la SSP, et il procède en se référant à Winnicott dans « Jeux et Realité ». Monniello souligne l’utilité dans le domaine clinique du concept de refoulement, qu’il concentre dans l’expression « construction dans le refoulement » pour indiquer les transformations infinies qui dérivent de l’inconscient. Le passé et le présent sont susceptibles de transformations si le refoulement fonctionne, s’il se construit. Le retard ou les difficultés dans la construction du refoulement sont à la base des pathologies névrotiques, et non seulement cela. Le refoulement qui  fonctionne  produit un flux continu et un processus inépuisable au service de la construction du Moi. Son élaboration offre des potentialités créatives tant au patient qu’à l’analyste.
Monniello souligne la valeur ajoutée du refoulement, par rapport aux autres defenses, moins couteaux que le clivage, le déni ou la projection, et sourtout plus efficace par rapport à l’angoisse”
Bernard Bensidou commente la relation présentée par Monniello et souligne un thème typique de l’interprétation classique  du refoulement : le thème de l’originaire en rappellant les questions que Freud se posait dans “le bloc notes magique”. L’on peut se demander, dit Bensidou,  si le processus de refoulement ne possède pas une analogie avec cette prémiere inscription (le dejà là, l’originaire)qui, sans s’effacer, permet la seconde iscription (l’après coup)    C’est à dire  que l’au delà du refoulement est sans doute à situer par là dans ces temps originaires. Bensidou  conclude :
“Vous proposez une bonne boussole pour un clinicien afin d’apprecier cette activité de transformation continue, suivre le destin des rejetons du refoulé qui agissent dans l’obscurité”

Ferro observe, en se référant au cas clinique de Monniello :
« L’illustration clinique selon ma façon de voir les choses n’est pas simplement une illustration clinique,  au contraire on pourrait même dire qu’elle ne l’est pas du tout ;  c’est plutôt une façon de raconter, mais sans passer par la grille de Bion. On pourrait dire que c’est une façon de partager la théorie au niveau de la narration et du rêve »… » Plus précisément je trouve qu’il est important dans un travail clinique qui traite des défenses, de prendre en considération non seulement celles décrites par Bion, mais aussi les transformations qui adviennent dans le jeu et dans le rêve utilisables au cours des séances. De cette manière il n’est pas toujours nécessaire de mettre au premier plan l’exigence du patient d’avoir recours aux défenses fortes »
Chervet  cite la dernière ligne du texte de Freud sur les nevroses de guerre : “Le refoulement est une nevrose traumatique elementaire”:
 “Toute la theorie du refoulement a basculé a partir de cette phrase chez Freud. (…) Le texte de G. Monniello  fait reference a ce que Freud annonce exactement aussi en 1919-20 … une  nouvelle definition de la pulsion... Pour  rejoindre Nino Ferro par  d’autres termes c’est la negativité  pulsionelle   qui oblige la mise en place du  refoulement. Monniello  fait reference  à  la tendence pulsionelle au retour a un état anterieur jusqu’à  l’inorganique,   que j’appelle la regressivité instinctive pulsionelle. Nous aurons a visiter/  revisiter cette necessité conservatrice d’installer un refoulement conservateur  pour repondre a des tendences internes à la psyche qui sont totalement opposées à  la conservation. Et là je rejoins completement Nino Ferro: c’est  parce que le refoulment existe que les  transformations peuvent exister.  

Le thème de la fonction constructive et cohésive du refoulement se trouve aussi dans la seconde relation plénière, celle de Gerard Bayle : le cas clinique d’une patiente avec une histoire familiale tourmentée et avec une profonde souffrance narcissique.
“L’effacement des clivages est parfois souhaitable et possible, mais dans bien des cas, leur approche ne peut se faire sans précautions”
Les remaniements dynamiques et économiques des clivages peuvent etre très dangereux.  
La névrose  de transfert de la patiente est décrite par Bayle comme une névrose d’intendance à propos de laquelle Bayle indique le risque qu’une interprétation du transfert négatif qui serait dangereuse et pourrait orienter  vers une dépendance régressive à l’analyste (…) et la relation deviendrait un contreinvestissement narcissique, verrou du clivage.

Stefania Nicasi commente  : “Toute névrose se comporte comme un intendent de l’armée qui gères les ressources économiques, chargé de fournir des contre-investissements en garde des clivages” En fait , la névrose a le rôle de renforcer les clivages : dans le cas de Bayle on voit que les défenses protègent la patiente d’un effondrement narcissique :
“Si l’analyste ne prend pas serieusement en consideration le soldat-ordonnance, s’il n’etablit pas une négociation économique avec lui, il risque alors de faire sauter les verrous et de faire precipiter le patient dans une crise narcissique profonde”


Dans les ateliers de l’après-midi  on a retrouvé le plaisir des échanges, stimulés par le travail de groupe concentré sur une inspiration commune.  En effet le travail de tout le monde était parcouru par une veine inspiratrice centrée sur l’intérêt pour le travail des autres en relation à l’attention sur les pathologies graves, aux dynamiques transféro-contretransférentielles, aux traumatismes et leur métabolisation  au sujet desquels le thème du refoulement comme défense structurante a été repris.

 Gemma Zontini (SPI) se demande ce qu’il y a au-delà du refoulement. Et elle souligne que c’est  en récupérant la possibilité de différencier que la naissance du sujet devient possible. Une difficulté liée au développement du  refoulement indique la voie qu’une pulsion de mort tend à prendre le dessus. Ainsi dans ce qu’on appelle aujourd’hui névroses, comme dans les formes d’hypocondrie sans délire, on  assiste à la mort du refoulement.     

Selon Pour Krzakowski (SPP) le refoulement s’eloigne de sa conception classique et doit alors etre pensé à des niveaux hétérogènes das ses occurrences excessives ou déficitaires. Il souligne le caractère  d’incomplétude structurelle du refoulement  en regard des autres defenses psychiques, ce qui le rend “incertus”.  Mais contrairement à ceux-là, le refoulement est le mechanisme qui assure la meilleure potentialité de liaison psychique.  

Un second thème affronté dans les ateliers fut celui du rôle du refoulement dans la théorie du trauma.
Martine Pinchon (SPP) souligne que le refoulement est une defense mais aussi un modéle amenant à un au-delà   et ouvre à la problematique du trauma. Elle evoque une cure où elle souligne les modifications des modalités défensives. De l’evitement et de la projection, sa patiente accéde progressivement au reinvestissement de sa position subjective.

Valeria Egidi Morpurgo (SPI) propose une interpretation au niveau des defenses archaiques  dans les traumatismes: “Le récit d’evenements traumatiques déclencherait chez le patient un mechanisme d’identification projective qu’affecte l’analyste au niveau de la réelaboration d’objets introjectés. L’on pourrait considerer cette défense du patient comme une façon  pour transmettere à  l’analyste ses angoisses”

La pulsion de mort n’est pas devenue la Convive de pierre au Colloque car le thème était présent   dans la plupart des interventions, non pas en tant que principe métaphysique, mais comme concept clinique.
Il reste quand même des différences au niveau des paradigmes, et donc dans la manière de conceptualiser ce « principe ». Mais la prise de  conscience de la responsabilité de l’analyste dans le  traitement des défenses est allée au-delà des différents paradigmes, ça a été un point commun. Quelle que soit la façon de voir les choses, le potentiel vers une désorganisation a été reconnu, sans jamais être provoqué, ni sous-estimé.
Pour reprendre Lambertucci Mann :
“Un colloque qui a permis de mettre  en dialogue la “pensée clinique” de deux cultures analytiques proches et différentes”  


(Manuela Schapira  à collaboré a la traduction)

Photographs from the Event

     
   
 
 
 

Fusacchia - Baldassarro 
  Monniello- Egidi Morpurgo
Vigna Taglianti- Ferro

  Breccia - Fusacchia 
 
 
   
 
   

 
       
 Bastianini - Zontini     Sabina Lambertucci Mann -
Ferro 

 Chervet-Ferro
     

       


Videos of Speakers


         
 BAYLE BENSIDOU
  CONROTTO