Santiago H. Amigorena
Le ghetto intérieur
Pol, 2019
Voilà 25 ans que Santiago H. Amigorena, écrit l’impact du silence laissé en héritage par son grand-père maternel, dans sa construction psychique. Un silence qui est l’onde de choc de l’extermination des juifs d’Europe par le totalitarisme nazi, qui se propage jusqu’à lui, jusqu’à nous.
Ce roman ci, est un point d’origine; une fiction de la vie de son grand-père, Vicente Rosenberg, entre 1940 et 1945 à Buenos Aires. En 1928, c’est un jeune homme qui quitte la Pologne et sa famille pour l’Argentine. Grandir loin de sa mère, faire fortune, fuir l’antisémitisme, les raisons s’additionnent et s’entremêlent. Aucune d’elles ne sont déterminantes.
En 1940, les lettres de sa mère sont plus rares et cessent. Les phrases courtes, le vocabulaire simple et sobre, relatent les faits historiques qui surgissent à la lecture des journaux et divers témoignages. L’édification du mur du ghetto s’incarne dans le silence qui s’impose à lui. Exclure le monde extérieur, fuir la vie, ses joies et ses vicissitudes, fuir les informations du monde : c’est faire taire et oublier les mots qui désignent ce qui se passe, dans le monde et en lui-même. Quel est le devenir d’un blanc de la pensée ainsi instauré? Que faire de cet héritage?
L’écriture fait parler ce silence à une distance de douze milles kilomètres et quatre vingt années des faits. Cette mise en forme est une élaboration possible de cet héritage et sa transmission.. Elle est l’effet d’un traumatisme devenu évènement pour ne plus peser sur la vie. Le silence de ce grand-père devient parcelle d’identité.
C’est ainsi qu’il s’adresse à nous tous.
Commentaires de Paule Lurcel, Paris